“Si Dieu a créé le temps, il y en a forcément assez”. Je ne sais qui est l’auteur de ce propos chargé d’humour et de sagesse. Nous manquons de temps. Toujours pressés, nous courons à contre-temps et nous nous épuisons. “Mieux vaut une poignée de repos que deux poignées de fatigue à poursuivre le vent”, disait Qohélet (4, 6).
Voir aussi :
Se reposer un peu …
Vacances, loisirs, repos
Nos rythmes de vie s’accélèrent. Nous devons constamment être plus efficaces pour répondre à de multiples sollicitations et intégrer des informations toujours plus nombreuses. Ce phénomène de “surchauffe” peut nous épuiser, consumant nos ressources et nos énergies, tant physiques que morales et spirituelles.
Unifier nos vies
Il est évidemment nécessaire de faire des choix. Toutefois notre équilibre de vie ne tient pas uniquement au nombre d’activités que nous assumons. Nous savons bien que le travail que nous n’avons pas fait nous fatigue davantage que celui qui est fait ! Et que ce qu’il faut faire par obligation est bien plus usant que ce que l’on fait par passion. Finalement la question est peut-être moins une question de quantité et de proportions qu’une question d’unification de la vie. Comment unifier ma vie en profondeur ?
Le travail et le repos, la vie de relation et la nécessaire intériorité, les loisirs et les engagements, les exigences professionnelles et la vie familiale…
Le capital “temps libéré” s’est accru, mais qu’est-ce que cela change dans notre façon de vivre ? Nous pouvons devenir des consommateurs de temps libre ! Nous avons libéré du temps, mais y a-t-il davantage de temps libre ! On peut disposer de davantage de “temps libéré” sans devenir plus libres pour autant.
Un temps pour relire
Pour beaucoup – mais pas tous – voici le temps des vacances. Ce temps nous est donné pour nous re-poser. Il s’agit évidemment de refaire nos forces, mais en nous posant face à ce que l’on a fait, à ce que l’on fait. Ce quotidien qui s’impose à moi me façonne : qu’est-ce que je deviens ? Si ce temps de repos nous permettait de relire ce que nous avons vécu, non pour ressasser, mais pour découvrir ce que nous avons tissé. Le tisserand , sur son métier, ne voit que l’envers de son oeuvre et les fils qui s’enchevêtrent. Il lui faut s’arrêter pour observer la tapisserie à l’endroit. Si le temps des vacances nous permettait de regarder notre vie à l’endroit, d’y contempler l’oeuvre de Dieu.
Un don à recevoir
Le temps n’est pas un objet à gagner et à posséder. Il est un don à recevoir. Par nature en effet, le temps est destiné à la rencontre. Il nous est donné pour entrer en relation et tisser des liens. Les vacances sont un moment privilégié qui nous est donné pour revivifier de l’intérieur nos relations en famille, entre amis. Mais faut-il encore que nous recevions ce temps comme un don qui nous est fait pour être partagé, et non comme un bien à consommer.
Pour mieux habiter son quotidien
Pour les chrétiens, le temps des vacances n’est pas sans évoquer le septième jour de la création où “Dieu ayant achevé l’oeuvre qu’il avait faite, se re-posa”, non pour abandonner son oeuvre à elle-même, mais pour la faire exister. Le septième jour fait partie intégrante de l’acte créateur. Si nous nous mettons à distance de notre quotidien, ce n’est pas pour le fuir mais pour mieux l’habiter. Celui qui donne du temps à la prière apprend à vivre le temps comme reçu, et “maîtrise” mieux son temps ! Si le temps m’est donné, c’est pour aimer. Apprenons à remercier pour le cadeau – le “présent”! – qui nous est fait : nous retrouverons la saveur du présent. Il faut évidemment pour cela se donner un peu de temps, mais “si Dieu a créé le temps, il y en a forcément assez” pour travailler et pour se reposer, pour remercier et pour aimer !
La véritable soif
Nous connaissons le dialogue que le Petit prince engage avec le marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif ! Tout cela pour faire des économies de temps : “On épargne cinquante-trois minutes par semaine”, dit le marchand. “Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes ?”, demande le petit prince. “On fait ce que l’on veut ”, rétorque le marchand. “Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine ” (A. de Saint-Exupéry, XXIII). Ce petit dialogue n’a pas perdu de sa pertinence.
Sans même nous en rendre compte, nous pouvons nous satisfaire de ces mille et un expédients qui nous font oublier la véritable soif qui nous habite, sans jamais l’étancher. Au point même que, drogués par une vie trépidante, nous pouvons avoir peur de briser le rythme et redouter le silence.
Que vais-je faire de ces “cinquante trois minutes” qui me sont accordées ? Vers quelle Source vais-je me laisser conduire ? Ce temps, il sera gagné si je le donne (sans pour autant me laisser manger !) à ma famille, aux amis, à ceux que je vais rencontrer. Il sera gagné si je le rends au Seigneur dans le silence, dans la prière.
Prendre le temps d’une “halte spirituelle” sur mon lieu de vacances, d’un séjour dans une abbaye, d’un pèlerinage… Les propositions ne manquent pas. Mais peut-être ai-je peur de m’arrêter ?
Si les vacances étaient vraiment ce septième jour, où au lieu de “faire”, nous nous laissions créer, nous laissions le Seigneur faire en nous son oeuvre, et qu’avec Lui – en regardant notre vie, tout ce que nous avons fait – nous disions que “cela était très bon” ! (cf. Gen 1, 31)
Bonnes vacances ! si tu as la chance d’en bénéficier. Toutefois n’oublie pas celles et ceux qui ne peuvent pas en prendre, ni tous ceux et celles qui travaillent pour que tes vacances soient aussi agréables que possible.
“C’est Dieu qui vient nous aimer : laissons-le faire!” (Madeleine Delbrêl)
Catéchèse de Mgr Yves Boivineau