La Passion a inspiré et continue à inspirer de nombreux poètes. La Mort et la Résurrection du Christ les touchent, leur parlent et les rejoint dans leur expérience personnelle. Paul Verlaine nous fait entendre la voix bienveillante du Ressuscité.
Ecoutons les mots que Paul Verlaine met dans la bouche du Ressuscité, ” source de paix que toute soif réclame “. Les vers qui vont suivre, dignes des plus grands mystiques, sont ceux d’un poète plein d’amour et rempli d’humilité.
I.
“Mon Dieu m’a dit : ” Mon fils, il faut aimer. Tu vois
Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne et qui saigne,
Et mes pieds offensés que Madeleine baigne
De larmes, et mes bras douloureux sous le poids
De tes péchés, et mes mains ! Et tu vois la croix,
Tu vois les clous, le fiel, l’éponge, et tout t’enseigne
A n’aimer en ce monde amer où la chair règne,
Que ma Chair est mon Sang, ma parole et ma voix.
Ne t’ai-je pas aimé jusqu’à la mort moi-même,
O mon frère en mon Père, ô mon fils en l’Esprit,
Et n’ai-je pas souffert, comme c’était écrit ?
N’ai-je pas sangloté ton angoisse suprême
Et n’ai-je pas usé la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis ? ”
II.
J’ai répondu : ” Seigneur, vous avez dit mon âme.
C’est vrai que je vous cherche et ne vous trouve pas.
Mais vous aimer ! Voyez comme je suis en bas,
Vous dont l’amour toujours monte comme la flamme.
Vous, la source de paix que toute soif réclame,
Hélas ! voyez un peu tous mes tristes combats !
Oserai-je adorer la trace de vos pas,
Sur ces genoux saignants d’un rampement infâme ?
Et pourtant je vous cherche en longs tâtonnements,
Je voudrais que votre ombre au moins vêtit ma honte,
Mais vous n’avez pas d’ombre, ô vous dont l’amour monte,
O vous, fontaine calme, amère aux seuls amants
De leur damnation, ô vous toute lumière,
Sauf aux yeux dont un lourd baiser tient la paupière ! ”
(Sagesse,II,4)