Mais à quoi donc peut bien servir la Sainte Trinité ? Quel mystère compliqué ! Que d’étranges spéculations, si éloignées de nos questions et de nos désirs immédiats ! Alors, écoutons cet apologue. « Un compositeur de génie avait un ami. Il voulut lui faire plaisir. Il lui dédie se dernière composition, une immense grandiose symphonie…
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…Cet ami se piquait d’aimer la musique. En fait, Il n’appréciait que les chansonnette de variété. Là était pour lui toute musique ; là était tout son bonheur. Arrive la partition de la symphonie qui lui est offerte. Il s’en trouve fort déçu : Que faire d’un pareil présent. Cela m’intéresse pas du tout. Je n’en ai aucun besoin. L’œuvre restait là devant lui, géniale et sublime, ennuyeuse et inutile. D’abord contristé, le compositeur comprit que son ami n’avait besoin que d’une chose : apprendre à aimer la musique. Patiemment, il se mit à l’initier à cet art. Il lui en révèle peu à peu les secrets, la beauté Infinie. Et l’ami sortit progressivement de son inculture épaisse. Un jour, enfin, il put savourer l’œuvre immense qui lui était offerte, dans sa sublime gratuité. La symphonie restait inutile, elle était devenue belle. » Avouons-le, nous nous complaisons volontiers dans des chansonnettes. A savoir : cette manière tout humaine d’envisager le mystère de Dieu, de regarder Dieu à hauteur de nos désirs, de nos attentes , pas trop compliqué, pas trop exigeant, quelque chose d’utile pour bien vivre. Or Dieu nous offre autre chose que des chansonnettes. Il nous offre la musique la plus sublime qui soit, cette symphonie qu’il est lui-même, Dieu unique en trois personnes, le mystère de la sainte Trinité. C’est à la contemplation de cette sainte Trinité qu’il nous invite, car c’est là que se trouve non seulement sa Vérité, mais notre vérité, la vérité de notre vie.
Oui, reconnaissons-le : à proprement parler la sainte Trinité ne sert à rien. Elle n’est pas utile. Elle est, elle est vraie. Elle est la vérité de Dieu, et c’est en elle seule que nous trouverons notre plénitude. Mais Dieu est un ami. Il ne veut pas nous écraser de son génie. Il sait combien notre esprit est lourd, notre cœur pesant refermé sur lui-même. Alors, plutôt que de nous accabler trop vite de la partition de se symphonie, Il a commencé par nous apprendre la musique. Cette patiente pédagogie, c’est se manière de se révéler à nous d’abord comme celui qui nous aime, comme un Dieu bon, miséricordieux, ami des hommes. Voilà pourquoi l’essentiel de notre foi, ici-bas, porte sur les Merveilles que Dieu a faites pour nous. Dieu nous a moins révélé qui Il est en lui-même, que qui Il est pour nous. La création, qui nous le montre généreux, dispensateur de vie.
Son Incarnation qui nous le montre proche de nous. Sa passion qui nous montre combien Il nous aime, jusqu’à mourir pour nous pardonner. Se résurrection et son ascension qui nous ouvrent l’espérance de la vie éternelle, Le don de l’Esprit-Saint, qui nous régénère et nous éclaire. Le don des sacrements qui nous fortifient sur la route. Le don de se morale, qui balise notre route et nous évite les écarts.
Voilà en effet, cette patiente pédagogie divine, qui nous dévoile avant tout des vérités utiles pour nous, proches, visibles, palpables, adaptées à notre capacité. Et pourtant là n’est pas l’essentiel. Car, à travers les merveilles qu’il a faites pour nous, Dieu nous invite à convertir notre regard. A ne plus le regarder en fonction de nous-mêmes, par rapport à nous, mais plutôt à le laisser nous dire qui Il est, en lui-même. Non plus pour notre utilité étriquée, ici bas, mais pour lui, parce qu’il est ainsi, en toute gratuité.
Voilà pourquoi, après nous avoir patiemment initié au langage de sa musique, Il a fini, très doucement, par nous confier la partition de sa symphonie, estimant que nous étions capables de la déchiffrer mentalement. Cette partition, c’est le dogme de la sainte Trinité. Partition redoutable de complexité : à peine ouverte, nous préférons si souvent la refermer avec crainte et respect, la remiser dans un coin obscur de notre foi.
Les notes, les mesures, les mouvements, tout s’embrouille sous nos yeux épais. Trois personnes en un seul Dieu… A trop considérer l’unité toute simple et toute puissante de Dieu, on en vient à oublier que le Fils et l’Esprit sont des personnes, engendrées et aimées pour elles-mêmes. A trop considérer la pluralité, la singularité des trois personnes, on en vient à oublier la toute puissante unité de Dieu, on verse facilement, sans s’en rendre compte, dans le polythéisme.
Notre premier pédagogue. ce fut le Verbe, le Fils éternel, qui s’est Incarné pour nous révéler cette partition. Par son sacrifice rédempteur, il nous a obtenu la grâce de pouvoir la lire en vérité. Désormais, notre pédagogue, celui qu’il nous envoyé, c’est l’Esprit Saint, le pédagogue intérieur qui nous conduit vers la vérité tout entière. C’est l’Esprit Saint, et lui seul qui nous permet de déchiffrer peu à peu la partition. Avec lui, sous sa lumière intérieure, plus nous contemplons l’unité de Dieu, son absolue simplicité, plus nous découvrons sa Trinité, la communion des trois personnes. En même temps, plus nous contemplons l’œuvre propre de chacune des trois personnes, plus nous découvrons l’absolue unité et unicité de l’être de Dieu.
Alors, sous la mouvance de l’Esprit, ne restons pas lourds et Incultes. Laissons l’Esprit nous initier, peu à peu, aux secrets de Dieu.
Aimer quelqu’un, c’est l’aimer pour lui-même, et non pour nous, pour notre utilité. Aimer Dieu, c’est l’aimer dans son mystère trinitaire. Ici bas, malgré nos efforts, nous n’ouvrons que difficilement notre esprit à la contemplation du vrai Dieu. Et pourtant, un jour viendra où nous entrerons dans la salle de concert, non plus pour déchiffrer laborieusement une partition mais pour écouter, pour voir, pour contempler en plénitude. Tout notre bonheur sera dans la contemplation de la Sainte Trinité. Les musiciens le savent : on ne savoure bien une œuvre qu’après avoir patiemment, laborieusement étudié sa partition. Telle est notre tâche ici-bas : nous laisser initier peu à peu, à l’amour véritable, à l’amour du vrai Dieu, tel qu’il est en lui-même. Telle sera notre gloire, dans le Ciel, d’autant plus pleine que nous l’aurons plus ardemment désirée : unir notre voix au concert céleste, dans l’éternelle louange de la Sainte Trinité.