C’est en 1926 que le Pape Pie XI proclame l’avant-dernier dimanche d’octobre : journée mondiale de la mission. Aujourd’hui, dans plus de 120 pays est célébrée la journée, semaine et même mois missionnaire pour vivre un échange universel par l’information, la rencontre de témoins, la prière et le partage financier.
Très chers frères et soeurs!
1. Depuis le début, j’ai voulu placer mon pontificat sous le signe de la protection spéciale de Marie. Par la suite, à plusieurs reprises, j’ai invité la communauté des croyants à revivre l’expérience du Cénacle, où les disciples “étaient assidus à la prière avec […] Marie, Mère de Jésus” (Ac 1, 14). Déjà, dans ma première Encyclique Redemptor Hominis, j’écrivais que ce n’est que dans un climat de prière fervente qu’il est possible de “recevoir l’Esprit Saint qui descend sur nous et de devenir ainsi témoins du Christ jusqu’aux extrémités de la terre, comme ceux qui sortirent du Cénacle de Jérusalem au jour de la Pentecôte” (n. 22).
L’Eglise prend toujours plus consciente d’être “mère” comme Marie. Elle est “le berceau, comme je l’ai fait remarquer dans la Bulle Incarnationis Mysterium à l’occasion du grand Jubilé de l’An 2000 , dans lequel Marie dépose Jésus et le livre à l’adoration et à la contemplation de tous les peuples” (n.11). Elle entend poursuivre ce chemin spirituel et missionnaire, toujours accompagnée par la Vierge Très Sainte, Etoile de la nouvelle évangélisation, aurore lumineuse et guide sûre pour notre chemin (cf. Novo Millennio Ineunte, n. 58).
Marie et la mission de l’Eglise en l’Année du Rosaire
2. En octobre dernier, en entrant dans la vingt-cinquième année de mon ministère pétrinien, comme une sorte de prolongement idéal de l’Année jubilaire, j’ai proclamé une Année spéciale consacrée à la redécouverte de la prière du Rosaire, si chère à la tradition chrétienne; une année à vivre sous le regard de Celle qui, selon le mystérieux dessein divin, a rendu possible, à travers son “oui” le salut de l’humanité, et qui continue depuis le ciel à protéger ceux qui ont recours à Elle dans les moments difficiles de l’existence.
Je forme le vu que l’Année du Rosaire constitue pour les croyants de tous les continents une occasion propice pour approfondir le sens de la vocation chrétienne. A l’école de la Vierge et à son exemple, chaque communauté pourra mieux faire ressortir sa propre dimension “contemplative” et “missionnaire”.
La Journée Mondiale de Missions, qui tombe précisément à la fin de cette année mariale particulière, pourra, si elle est bien préparée, donner un élan plus généreux à cet engagement de la communauté ecclésiale. Le recours confiant à Marie à travers la récitation quotidienne du Rosaire et la méditation des mystères de la vie du Christ souligneront que la mission de l’Eglise doit être avant tout soutenue par la prière.
L’attitude d'”écoute”, que suggère la prière du Rosaire, rapproche les fidèles de Marie qui “conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cur” (Lc 2, 19). La méditation fréquente de la Parole de Dieu devient un entraînement pour vivre “en communion vivante avec Jésus à travers le Cur de la Mère, pourrions-nous dire” (Rosarium Virginis Mariae, n. 2).
Une Eglise plus contemplative : le Visage du Christ contemplé
3. Cum Maria contemplemur Christi vultum! Ces paroles me reviennent souvent à l’esprit: contempler le “visage” du Christ avec Marie. Lorsque nous parlons du “visage” du Christ, nous nous référons à son aspect humain, à travers lequel resplendit la gloire éternelle du Fils unique du Père (cf. Jn 1, 14): “La gloire de la divinité resplendit dans le visage du Christ” (ibid., n. 21). Contempler le visage du Christ conduit à une connaissance profonde et passionnante de son mystère. Contempler Jésus avec les yeux de la foi nous fait pénétrer davantage dans le mystère de Dieu-Trinité. Jésus dit: “Qui m’a vu a vu le Père” (Jn 14, 9). A travers le Rosaire, nous avançons sur cet itinéraire mystique “en compagnie de sa Mère très sainte et à son école” (Rosarium Virginis Mariae, n. 3). Marie nous sert même de maîtresse et de guide. Sous l’action de l’Esprit Saint, elle nous aide à acquérir cette “audace tranquille” qui permet de transmettre aux autres l’expérience de Jésus et l’espérance qui anime les croyants (cf. Redemptoris Missio, n.24) Tournons-nous toujours vers Marie, modèle incomparable! Dans son âme, toutes les paroles de l’Evangile trouvent un écho extraordinaire. Marie est la “mémoire” contemplative de l’Eglise, qui vit dans le désir de s’unir plus profondément à son Epoux pour marquer encore davantage notre société. Face aux grands problèmes, face à la douleur innocente, aux injustices perpétrées avec une insolence arrogante, comment devons-nous réagir? A l’école de Marie, qui est notre Mère, les croyants apprennent à reconnaître dans l’apparent “silence de Dieu” la Parole qui retentit dans le silence pour notre salut.
Une Eglise plus sainte : le Visage du Christ imité et aimé
4. Grâce au Baptême, tous les croyants sont appelés à la sainteté. Le Concile Vatican II, dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium, souligne que la vocation universelle à la sainteté consiste à l’appel de tous à la perfection de la charité.
Sainteté et mission sont deux aspects inséparables de la vocation de chaque baptisé. L’engagement à devenir plus saints est étroitement lié à celui de diffuser le message du salut. “Tout fidèle – rappelais-je dans Redemptoris Missio – est appelé à la sainteté et à la mission” (n. 90). En contemplant les mystères du Rosaire, le croyant est encouragé à suivre le Christ et à en partager la vie, jusqu’à pouvoir dire avec saint Paul: “Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi” (Ga 2, 20).
Si tous les mystères du Rosaire constituent une école importante de sainteté et d’évangélisation, les mystères lumineux mettent en évidence des aspects singuliers de notre “sequela” évangélique. Le Baptême de Jésus au Jourdain rappelle que chaque baptisé est choisi pour devenir dans le Christ “fils dans le Fils” (Ep 1, 5; cf. Gaudium et Spes, n. 22). Lors des Noces de Cana, Marie invite à l’écoute obéissante de la Parole du Seigneur: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Jn 2, 5). L’annonce du Royaume et l’invitation à la conversion sont une claire consigne pour tous à entreprendre le chemin de la sainteté. Dans la Transfiguration de Jésus, le baptisé fait l’expérience de la joie qui l’attend. En méditant l’institution de l’Eucharistie, il retourne perpétuellement au Cénacle, où le divin Maître a transmis le trésor le plus précieux à ses disciples: Lui-même dans le Sacrement de l’autel.
Les paroles que la Vierge prononce à Cana constituent en quelque sorte l’horizon marial de tous les mystères lumineux. L’annonce du Royaume imminent, l’appel à la conversion et à la miséricorde, la Transfiguration sur le Mont Thabor et l’institution de l’Eucharistie trouvent en effet dans le cur de Marie un écho particulier. Marie garde les yeux fixés sur le Christ, mettant à profit chacune de ses paroles et indique à tous comment être d’authentiques disciples de son Fils.
Une Eglise plus missionnaire : le Visage du Christ annoncé.
5. A aucune autre époque, l’Eglise n’a eu autant de possibilités d’annoncer Jésus comme aujourd’hui, grâce au développement des moyens de communication. C’est précisément pour cette raison que l’Eglise est appelée aujourd’hui à faire transparaître le Visage de son Epoux avec une sainteté plus resplendissante. Dans ce difficile effort, elle se sait soutenue par Marie. Elle “apprend” d’Elle à être “vierge”, totalement dédiée à son Epoux, Jésus-Christ, et “mère” d’une multitude de fils qu’elle engendre à la vie immortelle.
Sous le regard vigilant de la Mère, la communauté ecclésiale croît comme une famille ravivée par l’effusion puissante de l’Esprit et, prête à relever les défis de la nouvelle évangélisation, elle contemple le visage miséricordieux de Jésus dans les frères, en particulier chez les pauvres et les personnes indigentes, ainsi que ceux qui sont éloignés de la foi et de l’Evangile. En particulier, l’Eglise n’a pas peur de crier au monde que le Christ est “le Chemin, la Vérité et la Vie” (Jn 14, 6) elle ne craint pas d’annoncer avec joie “la bonne nouvelle, dont le centre, mieux encore le contenu lui-même, réside dans la personne du Christ, le Verbe fait chair, l’unique Sauveur du monde” (Rosarium Virginis Mariae, n. 20). Il est urgent de préparer des évangélisateurs compétents et saints; il est nécessaire que la ferveur ne s’affaiblisse pas chez les apôtres, en particulier pour la mission “ad gentes”. Le Rosaire, s’il est pleinement redécouvert et valorisé, offre une aide spirituelle et pédagogique constante mais en même temps féconde pour former le Peuple de Dieu à travailler dans le vaste domaine de l’action apostolique.
Une consigne précise
6. Le devoir de l’animation missionnaire doit continuer à représenter un engagement sérieux et cohérent de chaque baptisé et de chaque communauté ecclésiale. Un rôle plus spécifique et particulier revient certainement aux uvres Pontificales Missionnaires, que je remercie pour ce qu’elles accomplissent déjà généreusement.
Je voudrais suggérer à tous d’intensifier la récitation du Saint Rosaire, au niveau personnel et communautaire, pour obtenir du Seigneur les grâces dont l’Eglise et l’humanité ont particulièrement besoin. J’y invite véritablement chacun: enfants et adultes, jeunes et personnes âgées, familles, paroisses et communautés religieuses.
Parmi les nombreuses intentions, je ne voudrais pas oublier celle de la paix. La guerre et l’injustice naissent dans le cur “divisé”. “Celui qui assimile le mystère du Christ, – et le Rosaire vise précisément à cela – apprend le secret de la paix et en fait un projet de vie” (Rosarium Virginis Mariae, n. 40). Si le Rosaire rythme notre existence, il pourra devenir un instrument privilégié pour construire la paix dans le cur des hommes, dans les familles et entre les peuples. Avec Marie, nous pouvons tout obtenir de son Fils Jésus. Soutenus par Marie, nous n’hésiterons pas à nous consacrer avec générosité à la diffusion de l’annonce évangélique jusqu’aux extrémités de la terre.
Avec ces sentiments, je vous bénis tous de tout cur.