Dans son homélie, lors de la Messe des peuples du 8 janvier 2003 en l’église Notre Dame de Pentecôte, le Père Jacques Turck nous invite à l’espérance.
Nous venons de l’entendre dans la lettre de St Jean (1 Jn 4,11-18- Marc 6, 45-52) :
Nous attestons que Dieu a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Il nous faut mesurer ce que nous disons dans cette affirmation.
Nous avouons à la fois notre impuissance et notre espérance.
Mais cette impuissance est à mettre en relation immédiate avec l’espérance
Notre impuissance à imposer la Paix entre les peuples est à mettre en relation immédiate avec les nombreux signes de paix, de réconciliation et de pardon que nous posons, que d’autres posent et dont nous sommes témoins !
Quelques uns sont cités dans la lettre que le Père Deniau, évêque de Nevers, nous envoie au retour de son voyage en Terre Sainte.. toutes ces initiatives mixtes entre Israéliens et Palestiniens.
Une autre est mentionnée dans le texte de l’Evangile de ce jour : alors que les Apôtres sont en pleine tempête et rament dans un monde où la petite barque de l’Eglise naissante est en danger
nous voyons le Christ s’approcher et leur dire : c’est moi n’ayez pas peur. Paix , Confiance.
Ils n’ont pas cessé de ramer pour autant ! Mais le vent tomba.. quand il monta dans la barque. là au moment même. Jésus ne leur annonce pas la Paix pour demain, pour la fin des temps ! Mais là aujourd’hui. Ils en sont bouleversés.
Les prophètes de notre société annoncent des catastrophes humaines et écologiques; les risques de guerre sont là entre les EU et l’Irak, entre Africains habitants sur le même territoire en Côte d’Ivoire on parlait hier de cette usine vidée de ses machines pendant les congés, entre Noël et le jour de l’an : un univers où l’homme est réduit à l’état d’objet ! c’est vrai nous sommes tous capables de provoquer des cataclysmes en tout genre !
L’espérance des chrétiens ne les renvoie pas à la parousie. Une sorte d’ouverture béate vers le ciel
L’espérance est une lumière qui jaillit de derrière le visible, de derrière l’évidence des ténèbres. L’espérance est une résistance au fatalisme ambiant. La guerre est toujours le résultat d’une décision. Aucun fatalisme ne permet quelque refuge à notre conscience.
Non il n’est pas vrai que nous ayons épuisé toutes les ressources du dialogue, de la patience ou des médiations.
Enfin il nous faut prendre en compte qu’au terme d’un quota de morts et de destruction non moins massives que celle que l’on dénonce chez les autres, il faudra bien un jour s’arrêter, s’asseoir autour d’une table et parler des différents qui opposent. Alors pourquoi ne pas commencer aujourd’hui ?
Quelle que soit notre guerre, il importe de déchirer les voiles de cette atmosphère “apocalyptique” pour s’apercevoir que la situation dans laquelle nous nous sommes mis et dans laquelle nous avons mis les autres, appelle en nous un sursaut d’espérance plus fort que tout.
Cette attitude de résistance est ce qu’il y a de radicalement nouveau au cur de la foi chrétienne car elle germe au cur du danger, au cur des risques pris.
Et le premier des risques
c’est Dieu qui l’a pris
qui le prend ! Il fait confiance à l’homme
puis il se fait homme ! Il devient l’un d’entre nous comme pour nous dire je viens avec vous faire réussir l’histoire des hommes !
Et il monta dans la barque
N’ayez plus peur, c’est moi ! Tel est le contenu de la manifestation de Dieu au jour de l’Epiphanie
Il y a 2000 ans
Depuis nous avons commencé à devenir ses disciples je ne parle pas de chacun de nous prit isolément.. Je parle de l’humanité toute entière en croissance de conscience et de fraternité. Nous avons commencé à devenir ses disciples :
-il ne parlait pas notre langue,
-il n’avait pas la même couleur de peau,
-c’est un étranger venu d’ailleurs
Venu de Dieu, car il est son Fils,
Venu d’Israël, car il était juif: Jésus de Nazareth !
Que nous dit de lui l’Evangile de l’Epiphanie ?
Que les premiers qui ont reconnus son règne, sa puissance.. ce sont des étrangers venus d’ailleurs eux aussi
pas plus que nous ils n’étaient semblables entre eux,
pas plus que nous ils ne venaient du même pays que Jésus,
pas plus que nous ils ne seront le peuple de Dieu à eux seuls,
Mais comme nous, ils ont trouvé la même lumière, et ils ont reçu l’Evangile de l’étranger..
Cette réalité là fonde la force de notre estime pour tous les peuples. L’Epiphanie est à sa manière l’anticipation réussie de la Pentecôte ! Ces mages venus d’ailleurs anticipent le jour où sur la place de Jérusalem se trouvaient des Arabes et des Juifs, des grecs et des romains, des gens de Capadoce (en Turquie d’aujourd’hui) de Mésopotamie, (c’est à dire d’Irak d’aujourd’hui) et ni les mages, ni ces gens par lesquels l’Evangile s’est propagé jusqu’aux extrémités de la terre, n’ont jamais demandé à ceux auxquels ils annonçaient le Salut en Jésus Christ, à ceux auxquels ils proposaient l’Evangile, d’épouser d’abord leur culture pour devenir chrétien.. car leur culture n’était pas celle des peuples auxquels ils proposaient l’Evangile..! Et cette culture d’en face -si je puis dire- leur disait quelque chose du Dieu qu’ils annonçaient !
Ces premiers temps de l’Evangile nous ont appris qu’être chrétien n’a rein à voir avec un quelconque esprit de conquête, avec un quelconque triomphe d’une culture sur une autre, avec une quelconque crainte de la culture des autres !
Voilà ce que nous disent et l’Epiphanie, et la Pentecôte
Le Christ lui-même, tout comme l’Esprit Saint se sont glissés dans notre culture..
Quelle prétention il y aurait à propager comme seule et unique culture
comme seule et unique vérité
comme seul et unique lieu du bien
la culture d’une seule nation, d’une seule race, d’une seule économie.
Tout ceci est tellement contraire à l’Evangile et à sa manière de vouloir l’humanité dans la différence..!
Allons-nous recommencer Babel
? parler la même langue et faire des briques et encore des briques, les mêmes, du matin au soir, du soir au matin
? Comme ce serait ennuyeux! Et nous n’aurions plus rien à nous dire ! -Allons-nous déloger Dieu du ciel où il se trouve pour lui imposer de n’être pas pluriel, Trois personnes en un seul Dieu ?
Les premiers chrétiens n’ont jamais envisagé la mission comme la multiplication indéfinie de leur propre culture.. de leur propre manière de croire ou de pratiquer la foi !
L’ouverture à l’étranger pour l’écouter nous dire Dieu à sa manière, n’est pas un détour, n’est pas une voie optionnelle
C’est le chemin des mages, et des missionnaires et de Dieu.
Frères et surs chrétiens, nous devons résister à tout ce qui irait à l’encontre de cela. Allez de tous les peuples faites des disciples, sans anéantir aucun d’entre eux ! Les peuples du monde n’ont jamais été aussi proches les uns des autres, aussi proches de nous. Ils sont là à notre porte, dans nos résidences, dans nos transports en commun, dans nos écoles, nos bureaux, sur le trottoir d’en face dans nos familles ! Qu’ils vivent !
Le jour de la paix entre les hommes, nous ne parlerons pas tous la même langue, nous n’aurons pas tous la même couleur de peau, mais le Christ aura fait de nous des frères et des soeurs.