La vision du corps humain développée par Jean-Paul II dans son premier cycle de catéchèses, est encore à découvrir. C’est l’avis de Leticia Soberón, psychologue mexicaine, auteur d’un ouvrage sur cette “Théologie du corps”, qu’a rencontrée l’agence Zenit.
La vision du corps humain selon le pape Jean-Paul II est encore à découvrir.
Leticia Soberón, psychologue, de nationalité mexicaine, actuellement chargée au sein du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, de la coordination du Réseau Informatique de l’Eglise en Amérique Latine (RIIAL) a consacré un livre à ce thème. Il a pour titre : “Perlas – Teología del cuerpo en Juan Pablo II” (Perles – théologie du corps selon Jean-Paul II) (Edimurta).
Leticia Soberón analyse le premier cycle des 63 catéchèses sur la théologie du corps prononcées par Jean-Paul II entre le 5 septembre 1979 et le 6 mai 1981.
Dans un entretien accordé à Zenit, elle explique que la vision du corps humain de Jean-Paul II n’a pas toujours été bien comprise et qu’elle a donné lieu à des malentendus dus à différentes formes de manichéisme.
Zenit : Pourquoi avez-vous décidé de revenir sur des enseignements du pape datant de plus de 20 ans ?
Leticia Soberón : Les enseignements que le pape a donnés à l’époque à travers ses catéchèses étaient d’actualité mais ils le sont encore plus aujourd’hui.
Quel est selon vous l’apport spécifique de la réflexion du pape sur ce sujet ?
Le pape fait un véritable cadeau au monde en élargissant ses horizons de compréhension de ce qu’est l’être humain avec son corps, un corps avec une sexualité, image de Dieu. Le pape rappelle que “la sainteté est entrée dans le monde avec le corps humain”. C’est un cadeau car il explique sans aucune peur, sans manichéismes, que l’uvre divine du corps humain et la réflexion sur les relations humaines vont bien au-delà des thèmes qui intéressent généralement l’opinion publique. Ceux qui écouteront ces enseignements se réconcilieront avec eux-mêmes, seront heureux et appelés à une tâche merveilleuse dans l’apprentissage de l’amour et de la relation avec les autres.
Lorsque l’opinion publique aborde le thème du corps et de l’Eglise tout semble se réduire à une liste d’interdits
Ce livre nous décrit d’une façon merveilleuse le prodige de notre existence en tant qu’hommes et femmes considérés dans leur globalité, dans leur intégralité, appelés à vivre dans une communion mutuelle. Le pape nous apprend à nous connaître et nous guide sur ce chemin humain, parfois terrible et difficile, des relations interpersonnelles dans lesquelles le désir de dominer et la concupiscence se mêlent souvent aux bonnes intentions et à l’amour authentique. Celui qui se forme avec cette pédagogie apprend à mieux se comprendre lui-même et a une sorte de boussole qui le guide dans les relations et qui l’aide à guérir ces relations à travers l’ouverture à la rédemption du Christ.
Le pape ne baisse pas la barre de l’exigence chrétienne concernant le corps mais il la transforme en profondeur sans aucun mépris ou peur du corps.
Et pourquoi cet enseignement n’est-il pas compris ?
Les vérités profondes – et c’est bien de cela qu’il s’agit – exigent que l’on se mette dans une attitude d’écoute et que l’on y consacre du temps. Ces messages ne sont pas à consommer en dix minutes. Beaucoup en ont l’intuition. Même les non croyants se réjouiront de voir cette clarté et ce chant de reconnaissance au créateur pour la beauté de la personne dans son intégralité. Le pape peut atteindre beaucoup de non croyants qui découvriront dans ce livre la clarté de son regard sur l’être humain, qu’il voit comme étant déjà sauvé et qu’il appelle à rechercher le salut.
Que manque-t-il pour que ce message puisse être vécu ?
Ces catéchèses mériteraient d’être utilisées dans toute la pédagogie catholique – au moins la pédagogie catholique – de l’enfance. Elles devraient être présentes dans les plans pastoraux de formation familiale, dans les réunions de couples et de préparation au mariage, dans les mouvements apostoliques, les paroisses, la catéchèse On peut ainsi réconcilier l’être humain avec sa propre réalité et le rendre capable de choisir librement, sans avoir peur de ses propres instincts mais sans en être esclave non plus. La lecture de ce message qui aide à se comprendre soi-même, à pouvoir se donner à l’autre pleinement et dans la dignité, rend heureux.
Dans une catéchèse le pape dit que “Le bonheur consiste à s’enraciner dans l’amour”. L’amour guérit la honte. A travers la rédemption le Christ restaure et améliore l’innocence originelle. Ceci donne une plénitude incroyable au mariage et à tous les domaines dans lesquelles se développe la relation entre hommes et femmes dans la société.
Ce message résonne dans un monde qui semble obsédé par la sexualité…
Le pape nous enseigne qu’il ne faut pas avoir peur de l’attrait légitime et normal. Celui-ci est naturel et répond à un appel à la communion entre les personnes. Le corps a ce que Jean-Paul II appelle “une signification sponsale”. Mais le pape met aussi en garde contre l’effet d’un regard de domination, qui veut “utiliser”, qui réduit l’autre à une chose et le dépouille de sa dignité de personne – et attention, cela peut aussi arriver dans le mariage ! Ce regard et l’action qu’il provoque ne correspondent pas à la dignité que mérite toute personne dans son corps et dans sa globalité. L’attrait est une bonne chose en soi mais il doit être purifié et se laisser guider par un respect radical, au service de la communion des personnes et du don de soi sincère.
Le livre se termine par un passage du “Triptyque romain”. Pourquoi avoir choisi d’inclure les poésies publiées par le pape au printemps dernier si elles ne font pas partie du cycle de catéchèses ?
C’est pour montrer que le pape n’a pas abandonné ce thème, développé au début de son pontificat. Je publie aussi des passages du discours qu’il a prononcé au cours de la cérémonie qui a eu lieu à l’occasion de la restauration de la Chapelle Sixtine qu’il décrit comme un “sanctuaire de la théologie du corps”. J’inclus également un passage de sa “Lettre aux familles” très incisif sur le manichéisme comme quelque chose qui fausse la compréhension correcte des messages de l’Eglise sur le corps humain. En définitive, c’est un message qui a marqué tout ce pontificat et que l’on ne peut pas ignorer. Le pape précise d’ailleurs que sans cette théologie du corps on ne peut pas comprendre l’enseignement de l’Eglise après le Concile Vatican II sur la vie et la famille.