« L’Eglise fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire l’âme de la société humaine, appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu. » (Gaudium et Spes, XL, 2). Ce passage du Concile Vatican II résume assez bien ce que veut être l’enseignement moral de l’Eglise : non pas un code de lois mais le rappel des fondements de l’homme.
« Il n’est rien de profondément humain qui ne touche le coeur des chrétiens. » Ainsi s’exprime le deuxième concile du Vatican à propos de l’Eglise dans le monde de ce temps. Il s’agit de la constitution dogmatique Gaudium et spes. Autrement dit l’Eglise ne fait pas d’ingérence en proposant une morale, dirions-nous plus facilement aujourd’hui, une éthique. L’Eglise accomplit sa mission : elle témoigne de la Bonne Nouvelle du Christ.
Il nous est difficile d’entendre le mot morale aujourd’hui. Nous associons trop souvent la morale à la sexualité. C’est la méconnaître. L’enseignement de la théologie morale concerne surtout le domaine social. N’oublions pas un des principes du pontificat de Jean-Paul II : l’option préférentielle pour les pauvres. C’est avant tout cette morale là qui est proposée par l’Eglise.
La morale a donc un lien fondamental avec le message évangélique. Nous allons essayer de le comprendre.
« Je conclurai une alliance avec mon peuple » (Jr 31, 31). « Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48). Deux passages pour une même réalité, et nous aurions pu trouver bien d’autres extraits. Cette réalité c’est la relation des hommes avec Dieu. Tout d’abord c’est cette relation du Créateur et de la créature. L’homme est créé à l’image de Dieu. Cette création constitue le principe de la dignité de l’homme, pour un chrétien. Le Christ va plus loin puisque qu’il meurt sur la croix pour le salut de tous les hommes quels qu’ils soient. Il va même jusqu’à dire : « ce que tu auras fait au plus petit c’est à moi que tu l’auras fait. » (Mt 25, 40). Ainsi l’anthropologie biblique est fondée sur le principe que l’homme a une dignité dans la relation à Dieu mais il a aussi une vocation.
Cette vocation est simple : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé » (Jn 13, 34). Il est donc un devoir pour le chrétien d’aimer à la manière du Christ. C’est le Christ qui réclame notre engagement auprès des hommes et plus particulièrement des faibles. Et c’est parce que je suis égal en dignité et en amour avec l’autre qu’ une atteinte à l’autre est en partie atteinte à moi-même. C’est un principe purement anthropologique que de défendre l’homme. Ainsi l’homme en tant que créature sauvée et rachetée suppose sa dignité et surtout l’inviolabilité de cette dignité. Le devoir du chrétien est de protéger cette dignité. Aussi c’est au nom de ces deux principes que l’Eglise intervient.
L’Eglise intervient non pas comme un parti politique qui proposerait un programme. Non, l’Eglise veut intervenir aux fondements de l’action sociale. Le message évangélique dont elle est dépositaire est le fondement de nos actes. Aussi le rappelle-t-elle quand ce fondement n’est plus respecté. L’Eglise ne prétend pas posséder des compétences techniques et scientifiques, elle veut seulement dialoguer avec la communauté scientifique pour que ne soit pas oubliée la dignité de l’homme. L’Eglise est dans son rôle qui consiste à aider l’humanité à découvrir le sens de son existence et le respect de cette existence. Elle le fait de différentes manières.
Traditionnellement on réfère l’enseignement social de l’Eglise au document Rerum Novarum qui peut être considéré comme un point de départ. C’est une encyclique de Léon XIII datée de 1891. Depuis, le Magistère n’a eu de cesse d’interpeller les pouvoirs politiques ou la communauté scientifique pour rappeler les options fondamentales quand elles étaient bafouées. Ainsi le pontificat de Jean-Paul II a été le plus riche en discours, messages, encycliques à visée sociale. Ses déplacements ou ses rencontres avec les chefs d’états ont souvent été le lieu où il a rappelé l’inviolabilité de la dignité de la personne humaine et l’option préférentielle pour les pauvres.
Ce discours moral n’est donc pas pour l’Eglise une volonté de prendre un pouvoir. Non elle veut remplir sa mission au service des hommes en leur rappelant qu’ils sont aimés et créés par Dieu. Elle veut remplir sa mission d’annonce de l’Evangile, car c’est cette Parole qui révèle l’amour de Dieu, c’est une Parole fondatrice de l’homme.