C’est en octobre 1997 que Jean Paul II a proclamé Thérèse de l’Enfant Jésus, docteur de l’Église universelle. A travers des extraits de la lettre apostolique du Pape, nous vous proposons de rédouvrir la petite sainte qui a si bien compris “la science de l’amour divin”.
Voir aussi :
Thérèse de l’Enfant Jésus de la sainte Face
Mon chant d’Aujourd’hui
“Thérèse parle d’amour comme personne”, interview de Grégory Turpin
Nolwenn Leroy et Sainte Thérèse de Lisieux
Louis et Zélie Martin, un couple “digne du Ciel”
LA SCIENCE DE L’AMOUR DIVIN que répand le Père de toute miséricorde, par Jésus-Christ en l’Esprit Saint, est un don, accordé aux petits et aux humbles afin qu’ils connaissent et qu’ils proclament les secrets du Royaume cachés aux sages et aux savants; pour cela, Jésus a exulté dans l’Esprit Saint, bénissant le Père, qui en a ainsi disposé (cf. Lc 10, 21-22; Mt 11, 25-26).
Mère, l’Eglise se réjouit aussi de voir que, dans le cours de l’histoire, le Seigneur continue à se révéler aux petits et aux humbles, rendant capables ceux qu’il a choisis, par l’Esprit qui “sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu” (1 Co 2, 10), de parler des “dons gracieux que Dieu nous a faits […], non pas avec des discours enseignés par l’humaine sagesse, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles” (1 Co 2, 12.13). L’Esprit Saint guide ainsi l’Eglise vers la vérité tout entière, la pourvoit de dons divers, l’embellit de ses fruits, la rajeunit par la force de l’Evangile et lui permet de scruter les signes des temps pour mieux répondre à la volonté de Dieu (cf. Lumen gentium, nn. 4.12; Gaudium et spes, n. 4).
Parmi les petits auxquels les secrets du Royaume ont été manifestés d’une manière toute particulière, resplendit Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, moniale professe de l’Ordre des Carmélites déchaussées, dont le centenaire de l’entrée dans la patrie céleste est célébré cette année.
Pendant sa vie, Thérèse a découvert “de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux” (Ms A, 83 v) et elle a reçu du divin Maître la “science d’Amour” qu’elle a montrée dans ses écrits avec une réelle originalité (cf. Ms B, 1 r). Cette science est l’expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Royaume et de son expérience personnelle de la grâce. Elle peut être considérée comme un charisme particulier de la sagesse évangélique que Thérèse, comme d’autres saints et maîtres de la foi, a puisée dans la prière (cf. Ms C, 36 r).
En notre siècle, l’accueil réservé à l’exemple de sa vie et à sa doctrine évangélique a été rapide, universel et constant (…)
Cette doctrine spirituelle nous a été transmise surtout par son autobiographie qui, à partir des trois manuscrits qu’elle avait rédigés pendant les dernières années de sa vie, et publiée un an après sa mort sous le titre Histoire d’une Ame (Lisieux, 1898), a suscité un intérêt extraordinaire jusqu’à nos jours. Cette autobiographie, traduite avec d’autres de ses écrits en cinquante langues environ, a fait connaître Thérèse dans toutes les régions du monde et aussi en dehors de l’Eglise catholique. Un siècle après sa mort, Thérèse de l’Enfant-Jésus est toujours reconnue comme l’un des grands maîtres de vie spirituelle de notre temps.
Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses requêtes aient été présentées au Siège apostolique pour qu’elle reçoive le titre de Docteur de l’Eglise universelle.
Depuis quelques années, et spécialement à l’approche de l’heureuse célébration du premier centenaire de sa mort, ces requêtes sont arrivées toujours en plus grand nombre de la part de Conférences épiscopales; en outre, des Congrès d’études ont eu lieu et les publications abondent qui mettent en valeur le fait que Thérèse de l’Enfant-Jésus possède une sagesse extraordinaire et que sa doctrine aide d’innombrables hommes et femmes de toutes conditions à connaître et à aimer Jésus-Christ et son Evangile.
A la lumière de ces éléments, j’ai décidé de faire faire une étude attentive afin de voir si la sainte de Lisieux avait les qualités requises pour pouvoir être honorée du titre de Docteur de l’Eglise universelle (…).
Thérèse de l’Enfant-Jésus nous a laissé des écrits qui lui ont valu à juste titre d’être considérée comme maîtresse de vie spirituelle. Son œuvre principale reste le récit de sa vie dans les trois Manuscrits autobiographiques A, B et C, publiés d’abord sous le titre devenu vite célèbre de Histoire d’une Ame (…). Dans ces trois manuscrits, où se retrouvent une unité thématique et la description progressive de sa vie et de son itinéraire spirituel, Thérèse nous a laissé une autobiographie originale qui est l’histoire de son âme. Il en ressort que dans son existence Dieu a présenté un message spécifique au monde, en montrant une voie évangélique, la “petite voie”, que tout le monde peut parcourir, parce que tous sont appelés à la sainteté (…).
Dans les écrits de Thérèse de Lisieux, sans doute ne trouvons-nous pas, comme chez d’autres Docteurs, une présentation scientifiquement organisée des choses de Dieu, mais nous pouvons y découvrir un témoignage éclairé de la foi qui, en accueillant d’un amour confiant la condescendance miséricordieuse de Dieu et le salut dans le Christ, révèle le mystère et la sainteté de l’Eglise.
On peut donc à juste titre reconnaître dans la sainte de Lisieux le charisme d’enseignement d’un Docteur de l’Eglise, à la fois à cause du don de l’Esprit Saint qu’elle a reçu pour vivre et exprimer son expérience de foi et à cause de son intelligence particulière du mystère du Christ. En elle se retrouvent les dons de la loi nouvelle, c’est-à-dire la grâce de l’Esprit Saint, qui se manifeste dans la foi vivante agissant par la charité (cf. S. Thomas d’Aquin, Somme théol., I-II, q. 106, a. 1; q. 108, a. 1).
Nous pouvons appliquer à Thérèse de Lisieux ce que dit mon prédécesseur Paul VI d’une autre sainte jeune, Docteur de l’Eglise, Catherine de Sienne: “Ce qui frappe plus que tout dans la sainte, c’est la sagesse infuse, c’est-à-dire l’assimilation brillante, profonde et exaltante des vérités divines et des mystères de la foi […]: une assimilation, certes favorisée par des dons naturels exceptionnels, mais évidemment prodigieuse, due à un charisme de sagesse de l’Esprit Saint” (AAS 62 [1970], p. 675).
Avec sa doctrine propre et son style unique, Thérèse se présente comme une authentique maîtresse de la foi et de la vie chrétiennes. Dans ses écrits, comme dans les développements des saints Pères, passe la sève vivifiante de la tradition catholique dont les richesses, ainsi que l’atteste encore le Concile Vatican II, “passent dans la pratique et la vie de l’Eglise qui croit et qui prie” (Dei Verbum, n. 8) (…).
Même si Thérèse n’a pas un corps de doctrine proprement dit, de véritables éclairs de doctrine se dégagent de ses écrits qui, comme par un charisme de l’Esprit Saint, touchent au centre même du message de la Révélation dans une vision originale et inédite, présentant un enseignement de qualité éminente.
De fait, au cœur de son message il y a le mystère même de Dieu Amour, de Dieu Trinité, infiniment parfait en soi. Si l’expérience chrétienne authentique doit être en accord avec les vérités révélées, dans lesquelles Dieu se fait connaître lui-même et fait connaître le mystère de sa volonté (cf. Dei Verbum, n. 2), il faut affirmer que Thérèse a fait l’expérience de la Révélation divine, parvenant à contempler les réalités fondamentales de notre foi réunies dans le mystère de la vie trinitaire. Au sommet, source et terme à la fois, il y a l’amour miséricordieux des trois Personnes divines, comme elle le dit, spécialement dans son Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. A la base, du côté du sujet, il y a l’expérience d’être enfant adoptif du Père en Jésus; tel est le sens le plus authentique de l’enfance spirituelle, c’est-à-dire l’expérience de la filiation divine sous la motion de l’Esprit Saint. A la base encore, et devant nous, il y a le prochain, les autres, et nous devons coopérer à leur salut avec et en Jésus, avec le même amour miséricordieux que Lui.
Par l’enfance spirituelle, on éprouve que tout vient de Dieu, que tout retourne à Lui et demeure en Lui, pour le salut de tous, dans un mystère d’amour miséricordieux. Tel est le message doctrinal enseigné et vécu par cette sainte (…).