Commencer une relation amoureuse, croire que tout est merveilleux, facile, que tout va changer. On croit, JE crois. Mais que pense l’autre? Quels sont ses désirs ? Y suis-je sensible ?
Nous discutions, Arnaud et moi, en sortant de la bibliothèque. Il était tout fier de me dire que Bénédicte et lui c’était sérieux. Il me dit : « Cette fois-ci je pense que Bénédicte et moi c’est pour la vie, cela fait trois semaines que nous sommes ensemble et je l’aime. »
Il s’attendait à ce que je me réjouisse avec lui mais je voulais l’interpeller. Plusieurs fois j’avais été le témoin de relations qui n’arrivaient pas à progresser parce que l’un ou l’autre n’avait pas trop réfléchi aux conséquences d’une vie à deux.
Après un moment de silence je dis à Arnaud :
« En est-tu sûr ?
– Mais de quoi ?
– Ben… que tu l’aimes ?
– Naturellement, je me sens bien avec elle, nous partageons beaucoup de choses, l’envie de vivre ensemble, d’avoir des enfants, de… et puis ta question est étrange !
– Sais-tu si elle se sent bien avec toi, éprouve-t-elle les désirs que tu évoques, ne trouve-t-elle pas que votre relation est précipitée, en avez-vous déjà parlé ?
– Pas en profondeur mais si elle ne me dit rien c’est qu’il n’y a pas de problèmes.
– Peut-être a-t-elle peur de saper ton enthousiasme et elle n’ose partager avec toi ce qu’elle ressent ?
– Si elle avait eu un problème ou un souci lié à notre relation elle m’en aurait parlé.
– Je ne pense pas ainsi. Et c’est là ou se trouve le point fondateur de l’amour : la découverte de l’autre. Tu considères que tout va bien parce que tu l’aimes et qu’elle ne s’oppose pas à ton amour. Mais le fait qu’elle éprouve quelque chose pour toi ne veux pas obligatoirement dire qu’elle éprouve la même chose que toi. Bâtir une histoire à deux c’est prendre en considération l’avis (la vie) des deux.
C’est vouloir respecter le rythme de chacun, c’est apprendre à partager les soucis et les joies, c’est réfléchir et prendre du recul. C’est ne pas plaquer la relation qu’on idéalise depuis tout petit sur une personne. Tu enfermerais Bénédicte dans une image qui n’est pas la réalité. Et toi tu t’enfermerais dans ton monde sans t’ouvrir aux autres. Il y a l’idéalisation de l’autre et l’idéalisation de la relation. Mais tout cela éloigne de la réalité, de la relation vrai.
– Tu n’es pas optimiste !
– Au contraire en essayant de pointer ce qui n’est pas la relation, je l’épure de ce qu’il y a de mauvais pour voir les beautés d’une relation.
– Et c’est quoi pour toi les beautés d’une relation ?
– Je dirai que c’est avant tout la beauté du don. Le désir de tout donner, de se donner rend belle la relation entre un homme et une femme. Mais ce don c’est le don d’une vie, donc dans la durée. Le don d’une vie c’est accepter de grandir ensemble, sans vouloir le tout tout de suite. Savoir grandir c’est aussi être responsable et pouvoir faire des choix et prendre des décisions, et pour cela il ne faut peut-être pas attendre de trop pour s’engager.