Catéchèse de Mgr Santier aux pèlerins des JMJ, le mercredi 24 juillet 2002, sur le thème : “Vous êtes le sel de la terre”.
A qui Jésus s’adresse-t-il à travers ces paroles ? Si nous les prenions directement pour nous-mêmes, nous risquerions d’être des prétentieux : le sel de la Terre, rien que ça !
Dans l’Evangile, cette phrase suit directement les Béatitudes, elle vise donc ceux qui sont mentionnés dans les Béatitudes :
« Ceux qui ont une âme de pauvre,
ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de la justice,
ceux qui font régner la paix, ceux qui arrivent à vivre le pardon,
ceux qui sont persécutés pour la justice et pour leur foi ».
Ces paroles visent donc aussi les disciples, mais aussi tous ceux qui, par delà le temps, s’efforcent là où ils sont de suivre le Christ, c’est à dire les chrétiens d’aujourd’hui et parmi eux chacun d’entre nous.
L’apôtre Paul, dans un encouragement aux chrétiens de Corinthe, leur dit :
« Frères, considérez votre appel.
Parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair,
pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés,
mais ce qu’il y a de fou dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages,
ce qu’il y a de faible dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi ».
C’est sans doute pour cela que vous êtes venus aux JMJ, ce n’est pas parce que vous êtes les jeunes les plus intelligents, les plus brillants, les plus sportifs, les plus riches, les plus forts, que vous êtes là, ou que Dieu vous a choisis.
Il vous a choisis et appelés comme il a choisi et appelé son peuple, comme cela nous est dit dans le livre du Deutéronome.
« Si Dieu s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le moins nombreux de tous les peuples. Mais c’est par amour pour vous ».
Si Dieu vous a appelés à participer aux JMJ, c’est par amour gratuit. Il vous a convoqués pour vous faire découvrir à quel point il vous aime et vous faire redécouvrir votre vocation baptismale.
La façon d’agir de Dieu nous est révélée dans la Bible. Pour faire de grandes choses dans l’histoire, dans le monde, il ne choisit pas les puissants ou les plus forts ; non, Dieu, comme le chante Marie dans le Magnificat, fait des grandes choses à partir de ce qui est petit, faible, pauvre.
« Le Seigneur s’est penché sur son humble servante,
Le Seigneur fait pour moi des merveilles ».
La puissance de l’amour se révèle en Jésus, lorsqu’il est sur la croix, faible, abandonné de tous, et il s’est fait aussi petit enfant pour que nous n’ayons jamais peur de nous approcher de Dieu. « La puissance de l’amour qui se révèle à travers la faiblesse », c’est difficile à comprendre et à vivre, mais c’est toujours la façon d’agir de Dieu.
Arrêtons-nous un instant sur l’expression « Vous êtes le sel de la Terre ».
– I –
Quand les auteurs bibliques parlent du sel, ils ignorent tout du chlorure de sodium, mais ils savent deux choses : que le sel conserve les aliments, et qu’il donne du goût.
Même s’ils n’ont pas encore inventé les salaisons modernes, ils ont remarqué que le sel empêche que les aliments pourrissent ; le sel devient donc symbole de la permanence et de la durée.
Vous savez bien aussi, chers jeunes, que lorsque Jésus dit « vous êtes le sel de la Terre », par sa parole, il crée un lien personnel fort avec vous, avec chacun de vous ; mais qu’en même temps, le vous s’adresse à vous tous, en tant que membres du Corps du Christ, membres de l’Eglise.
Alors la question qui est posée est celle-ci : Comment pouvez-vous, en tant que jeunes, être sel de la Terre au cur de l’Eglise et du monde ?
– II –
2.1.
Celui qui est le « sel de la Terre » c’est d’abord Jésus lui-même ; celui qui se perd dans la Terre pour la saler, pour qu’elle demeure une bonne Terre, c’est Jésus-Christ, qui est devenu grain semé, germe de vie.
Celui qui a permis que l’homme puisse n’être à jamais enfermé dans la Terre, dans ses tombeaux d’orgueil, de puissance, de dureté du cur, c’est Jésus mort sur la croix et ressuscité.
Celui qui permet à l’homme de goûter la vie, de ne pas se laisser attirer par des divertissements sans saveur, de se laisser enfermer par des peurs, c’est Jésus.
Il est avant tout lui seul sel de la Terre.
2.2.
Si nous pouvons à notre tour devenir « sel de la Terre », c’est dans la mesure où nous sommes unis à lui, greffés sur lui.
Nous ne pouvons devenir « sel de la Terre » que dans la mesure où nous avons un cur de pauvre, et que nous recevons tout de lui.
Dans notre vie quotidienne de jeunes, nous traversons des difficultés dans nos familles, nous sommes heureux si elles sont unies, nous avons à souffrir si elles sont désunies, alors nous vivons des blessures du cur.
Dans nos lieux d’études ou de travail, nous devons lutter pour ne pas faire comme tout le monde, nous laisser prendre par le clinquant, l’argent, le succès, la réussite, pour ne pas tomber dans la facilité, les plaisirs, les aventures amoureuses successives.
Lorsqu’on ne fait pas comme tout le monde, on a l’impression d’être rejeté, mis à part, critiqué, remis en cause, persécuté, ce n’est pas facile à vivre.
Pourtant, si nous restons unis en Christ, et si nous tenons dans ce que nous avons décidé de vivre, lorsque ces jeunes, nos amis, traversent des épreuves, ils viennent nous parler, se confier à nous.
2.3.
Vous pouvez ainsi constater comment vous pouvez être sel. Quand vous vivez des difficultés, des épreuves dans votre vie ou au nom de votre foi, vous pourriez vous révolter ou tout lâcher ; mais quand vous voyez cela, vous pouvez aussi découvrir que Jésus est là, présent, Jésus seul, abandonné de tous, Jésus souffrant. Et c’est à ce moment-là qu’il peut, à travers vos faiblesses, vos épreuves, vos difficultés, agir à travers vous.
Vous avez l’impression comme chrétiens d’être parfois seuls, peu nombreux, et pourtant quand vos amis souffrent, c’est vers vous qu’ils se tournent pour être écoutés, entendus et compris.
Vous pouvez expérimenter alors la présence de Jésus en vous, vous pouvez dire des paroles auxquelles vous n’avez jamais pensé. Par votre simple présence, votre écoute, vos gestes simples, vous pouvez donner à vos frères et surs le goût de vivre, vous devenez sel.
Nos moyens de communication déforment l’image des jeunes en montrant de façon démesurée les jeunes qui dévient, qui tombent dans la violence.
En fait, il s’agit d’une minorité, la plupart des jeunes comme vous sont en recherche de Dieu, d’une autre manière de vivre. La société de consommation, en voulant combler à outrance tous vos besoins, risque de tuer le désir, et de laisser les jeunes face à un grand vide.
Mais justement, Jésus, par sa parole, vient vous rejoindre au plus profond de votre désir, vient rejoindre vos attentes les plus profondes, celles du bonheur.
2.4.
Vous savez par expérience que les jeunes qui vous entourent sont souvent seuls, même s’ils sont en bande.
Lorsque dans vos paroisses, vos aumôneries, vos groupes de prière, vous vous retrouvez au nom de votre foi, vous vivez la fraternité, la communion fraternelle ; vous connaissez la source de cette fraternité : Jésus, qui a donné sa vie par amour, qui est présent au milieu de vous et qui vous appelle à sa suite, à donner de votre vie à vos frères.
Car vous ne pouvez être sel de la Terre en restant isolé, votre foi ne pourrait pas grandir ; vous êtes faits pour vous retrouver en Eglise, en communauté de jeunes. Vous pouvez, là, vous soutenir les uns les autres, vous écouter, partager ce qui vous fait vivre, vos joies et vos peines, partager la parole de Dieu et prier ensemble.
L’Esprit-Saint, si vous lui demandez son aide, peut éveiller vos imaginations et vous conduire à créer partout où vous vivez, au lycée, à l’université, dans vos quartiers, ces petites fraternités d’amour et de partage qui rayonnent l’Evangile et qui attireront d’autres jeunes, car là où se vit l’amour fraternel, ils pourront rencontrer Dieu, ainsi vous deviendrez sel de la Terre.
Je disais tout à l’heure que beaucoup de personnes dans notre monde vivent la solitude, dans des maisons de retraite, des hôpitaux, des HLM, dans des quartiers, et beaucoup de jeunes s’ennuient.
2.5.
L’urgence pour notre monde est que se lèvent des consolateurs.
Si des gens tombent dans la violence ou le désespoir, c’est que personne n’a entendu leur cri, c’est qu’ils n’ont pas trouvé de consolateurs. Consoler, c’est être avec celui qui est seul. La consolation est un don de Dieu et un charisme de l’Esprit-Saint.
« Car ainsi parle le Seigneur.
Vous serez allaités et portés sur la hanche, caressés sur les genoux,
Comme un enfant que sa mère console, moi aussi je vous consolerai.
A cette vue, votre cur sera dans la joie ». Is 66,13-15.
Jésus lui-même se présente comme le Consolateur :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi
il m’a consacré par l’onction
et m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
annoncer aux captifs la délivrance,
proclamer une année de consolation du Seigneur ».
Jésus est venu apporter la consolation de Dieu à toute l’humanité et nous faire découvrir le vrai visage de Dieu, d’amour et de tendresse.
La consolation de Dieu est bien autre chose que la pitié, ou que la sympathie humaine ; elle rejoint les curs des hommes bien au-delà de la souffrance qu’ils peuvent exprimer. Certaines prisons intérieures dans lesquelles vous-mêmes ou certains de vos frères et surs se sont laissés enfermer à cause de souffrances profondes, ne peuvent s’ouvrir que dans une expérience de consolation.
Seule la consolation de Dieu qui vient de Dieu par nous en les rejoignant au niveau de leur souffrance intérieure peut faire sauter tous les verrous, et les faire entrer dans un chemin de pardon par rapport à eux-mêmes, à Dieu et aux autres.
Seule la consolation qui vient de Dieu peut soulager, toucher les curs et nous faire entrer dans un chemin de joie.
Je vous invite à accueillir pour vous-mêmes ces jours-ci la consolation de Dieu dans le sacrement de pardon, pour que vous puissiez être à votre tour porteurs de la consolation de Dieu à vos frères et à vos surs.
Que vos petites fraternités dont je parlais tout à l’heure soient des foyers de consolation, et vous serez alors sel de la Terre.