Pendant le Carême, nous vous proposons de découvrir un extrait d’un chef d’oeuvre poétique de la liturgie d’Orient : “le Grand Canon de Saint André de Crète”, moine à Jérusalem au VIIe siècle, dont le thème est la pénitence. Cet hymne très long (250 strophes) est chanté par l’Eglise orthodoxe deux fois par an, pendant la période du Carême.
ODE 1 (Premier cantique de Moïse : Exode 15*1-16)
1. Le Seigneur est mon aide et mon protecteur,
c’est lui qui m’a sauvé, c’est lui mon Dieu, je le glorifierai ;
c’est le Dieu de mes pères et je l’exalterai, car il a fait éclater sa gloire. Ps 118 ; Ex 15, 1-2
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
2. Par où commencerai-je à déplorer les actes de ma vie misérable,
et quels seront, ô Christ, les premiers accents de ce chant de deuil ?
Accorde-moi, dans ta compassion, la rémission de mes péchés ! Eph 4, 32 ; 1P 3,8
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
3. Viens donc, âme endurcie, revêtue de ta chair, confesse-toi au Créateur de toutes choses ; rejette loin de toi ton délire et offre à Dieu des larmes de pénitence.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
4. Émule du premier Adam dans les voies de la prévarication, par mes péchés, je me suis vu dépouillé de mon Dieu, sevré du royaume éternel et de ses délices. Gn 3, 23
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
5. Malheur à toi, âme endurcie, pourquoi as-tu voulu ressembler à Ève ?
C’est ton propre regard, ton regard avide qui t’a blessée,
tu as tendu la main vers l’arbre funeste, désiré et goûté à la nourriture de la déraison. Gn 3, 6
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
6. À la place de l’Ève charnelle, une Ève en esprit s’est élevée en moi :
c’est une pensée de convoitise qui se pare de plaisirs et se gave sans fin d’une nourriture funeste.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
7. Adam, pour avoir violé un seul de tes commandements,
ô Sauveur, a été en toute justice chassé du paradis.
Que dois-je subir, moi qui transgresse en tous temps tes paroles de vie ? Gn 2, 17
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
8. J’ai mis mes pas dans les pas de Caïn, et j’ai choisi de devenir meurtrier,
car j’ai flatté ma chair et attenté à mon âme par les œuvres de mes péchés. Gn 4, 8
ODE 2 (Deuxième cantique de Moïse : Deutéronome 32, 1-11)
25. Cieux, prêtez l’oreille et je parlerai,
je chanterai des hymnes au Christ qui,
pour venir à nous, a pris chair dans le sein de la Vierge. Dt 32
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
26. Cieux, prêtez l’oreille et je parlerai,
que la terre écoute la voix de la pénitence,
qui s’élève vers Dieu et le glorifie ! Dt 32
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
27. Abaisse sur moi un regard favorable et plein de compassion,
ô Dieu Sauveur, et accueille ma fervente confession ! Ps 69, 17
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
28. J’ai péché plus que tous les hommes, seul j’ai péché contre toi,
ô Dieu Sauveur, prends pitié de ta créature ! Ps 51, 6
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
29. La tempête de mes passions m’environne,
mais étends vers moi ta main avec compassion,
comme jadis tu le fis pour Pierre. Mt 14, 31
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
30. Ô Christ très compatissant, je t’offre aussi mes larmes,
comme la femme pécheresse. Aie pitié de moi, ô mon Sauveur, dans ta bonté. Lc 7, 8
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
31. J’ai terni la beauté de mon âme par les plaisirs des passions,
et j’ai abaissé mon esprit au niveau de la boue.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
32. J’ai mis en lambeau le vêtement originel que le Créateur m’avait tissé, et depuis me voici gisant dans la nudité.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
33. J’ai essayé de me couvrir d’une défroque déchirée,
tissage du serpent qui m’a séduit,
et je suis en proie à la honte. Gn 3, 7
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
34. J’ai contemplé la beauté de l’arbre et mon esprit a été séduit,
et depuis, me voici gisant dans la nudité et je suis en proie à la honte.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
35. Tous les moteurs des passions ont labouré mon dos
en y creusant le sillon de leurs iniquités. Ps 129, 3
ODE 9 (Cantique de la Mère de Dieu)
198. Virginalement conçu d’une mère sans époux et engendré sans corruption,
le fruit divin demeure inexplicable ;
la naissance de Dieu renouvelle la nature des êtres.
C’est pourquoi toutes les générations te magnifient et te saluent fidèlement,
ô Mère et Épouse de Dieu !
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
199. Mon esprit est blessé, mon corps décline, mon souffle s’affaiblit et ma raison languit, la vie meurt, la fin s’approche.
Que feras-tu, âme infortunée, à l’heure où le Juge dévoilera tes secrets ?
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
200. Examine, ô mon âme, les écrits de Moïse sur la création du monde,
contenant l’histoire des justes et des impies : tu as imité les pécheurs et non les justes, ô âme détournée de Dieu !
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
201. La Loi en toi est impuissante, l’Évangile infructueux,
la prophétie, les sentences des justes et l’Écriture toute entière
sont devenus pour toi des objets de mépris.
Tes plaies, ô mon âme, s’enveniment loin du médecin qui, seul, pourrait les guérir !
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
202. Contemple, ô mon âme, tous les modèles que te présente le Nouveau Testament pour t’amener au repentir :
imite donc les justes, détourne-toi des pécheurs, cherche à fléchir le Christ
par les prières et par le jeûne, par la pureté et le recueillement.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
203. Le Christ s’est fait homme, il s’est uni à ma chair ;
volontairement il a assumé notre nature toute entière sauf le péché, te montrant, ô mon âme, l’image de son ineffable bonté.
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
204. Le Christ s’est fait homme, il a appelé à la conversion les larrons et les prostituées :
repens-toi, ô mon âme, les portes du royaume sont ouvertes !
Les pharisiens, les publicains et les adultères convertis nous y précèdent !
Mt 21, 31
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
205. Le Christ a sauvé les mages, appelé les bergers, transformé la multitude des innocents en martyrs.
Il a exaucé les voeux du vieillard Syméon et d’Anne la veuve au grand âge,
mais toi, ô mon âme, tu n’as imité ni leurs oeuvres ni leurs vies !
Malheur à toi quand tu seras jugée ! Mt 2, 1-18 ; Lc 2, 25-38
Aie pitié de moi, ô Dieu, aie pitié de moi.
206. Après avoir jeûné quarante jours dans le désert le Seigneur eut faim à cause de sa nature humaine.
Ne te laisse pas abattre, ô mon âme, sous les coups de l’ennemi,
par la prière et le jeûne tu le fouleras aux pieds ! Mt 4, 2 ; 17, 21