« Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Cette phrase est tirée d’un épisode célèbre de l’Ancien Testament. C’est la réponse de Samuel à Dieu qui l’appelle.
Le jeune garçon vit dans le temple mais il ne connaît pas encore le Seigneur. Au service d’Elie, il est entièrement disponible à son maître. Au premier mot de celui-ci il est prompt à obéir. Mais il lui manque l’écoute intérieure.
Une nuit, il entend une voix. C’est Dieu qui l’appelle. Son maître Elie étant sa seule référence, il se méprend sur cette voix intérieure. Elie comprend ce qui se joue et envoie son protégé à un coeur à coeur avec le Seigneur. Voilà Dieu qui vient lui parler au coeur, l’enraciner dans une relation intime avec Lui.
Ecouter Dieu qui nous parle dans le silence
La Bible, une fois encore, nous montre un Dieu à la recherche de l’homme, un Dieu qui appelle l’homme. C’est Lui qui a l’initiative de cette relation. Dieu ne cesse d’appeler chacun à cette vie d’alliance. Nous nous émerveillons de la présence de Dieu qui nous devance « Seigneur, tu étais là, et je ne le savais pas » (Gn 28, 16). Dieu nous attend, Il nous appelle, Il nous invite à L’écouter et à L’accueillir.
Sa parole nous précède. A nous de désirer l’écouter. Salomon, sages parmi les sages, demandera à Yahvé « un coeur qui écoute » (1R 3, 5-9). L’écoute, c’est la condition de tout croyant.
Cette écoute est un silence habité, à l’opposé du mutisme. Un état paisible, disponible à la parole de l’autre.
Le silence est une manière d’exprimer le vide que nous désirons voir rempli par Dieu. Creuser en nous ce vide immense que le silence exprime et qui est attente de la venue de Dieu.
Le silence, le chrétien le goûte en effet à une double profondeur. D’abord le silence nous permet de nous retrouver nous-même. « Ce silence est l’expression du besoin que l’on a de se taire, de se taire sans plus, pour retrouver le calme et la paix. Dans ce silence, l’homme se concentre sur son cur intime. Il sera ensuite plus capable de supporter les tracas de la vie. L’homme aspire au silence, comme il aspire au repos, au sommeil » ( Revue « Christus », n°176, octobre 1997). Au-delà, le silence permet une attention très simple au mystère de Dieu.
Dans la foi, nous pratiquons plusieurs niveaux d’écoute. Intellectuelle d’abord, par la méditation des Ecritures. Le Maître illumine la parole reçue, nous la fait goûter intérieurement. Elle peut pénétrer notre cur « Il donne à la parole de prendre possession de notre coeur » (Christus).
La parole oriente nos curs vers l’amour de Dieu. Elle est source d’unité retrouvée face à la multiplicité de nos désirs. « O Maître, mon désir est devant Toi » (Ps 37, 20).
Au niveau le plus profond de la personne, nous découvrons une parole agissante et vivante qui nous re-crée. « Nous devons apprendre à écouter avec tout notre être, à accepter de comprendre tout ce qui nous est dit, à vaincre toutes nos résistances et toutes nos peurs, à aimer tout ce qui nous est demandé. Se laisser porter par l’amour de Dieu et l’abandon à sa volonté, et permettre ainsi à l’oeuvre de Dieu de se faire [en nous, par nous]. Là où nos propres forces ne suffisent pas. Accueillir la parole telle qu’elle est et la laisser agir sans lui opposer de résistance » ( Christus)
Nous entrons dans la prière de Jésus « Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Abandon de notre vouloir pour accueillir le dessein bienveillant de Dieu qui désire notre salut et le bonheur de tous.
Faire silence, se rendre disponible à la parole, suppose un apprentissage. La communication entre deux personnes demande du temps. Comme Samuel, le croyant prête l’oreille, attentif aux motions intérieures, aux aspirations profondes qui l’animent. Dieu nous parle ainsi par la médiation de notre humanité.
Pour appréhender ce qui se joue, un travail de discernement est nécessaire : de ce qui monte de notre cur et de notre esprit, pouvoir repérer les élans qui viennent de Dieu.
Notre conscience individuelle a ses limites et nos motions profondes demandent à être « vérifiées » par l’Eglise. L’accompagnement spirituel est une balise essentielle pour suivre le Christ. C’est son maître Elie qui comprend « que Yahvé
appelait l’enfant Samuel » et lui indique le chemin de sa rencontre personnelle avec Dieu.
L’écoute de la présence et de la voix de Dieu dans notre quotidien nous conduit à choisir notre vie avec Lui, à discerner la route qu’Il nous montre.
Le bonheur d’écouter
Ecouter, écouter encore, écouter toujours, écouter jusqu’au bout. Dans ses « Sermons », Bernard de Clairvaux évoque le bonheur d’écouter une parole qui donne vie. « Mes bien-aimés, ne cessez pas d’écouter la parole que le Seigneur prononce en vous. Bienheureuse l’âme qui, dans le silence, perçoit le souffle du murmure de Dieu et qui souvent répète ces mots de Samuel parle, Seigneur, ton serviteur écoute Arrêtons-nous donc ici aujourd’hui et faisons silence pour entendre Dieu nous parler à l’intime ». Se tenir devant un Dieu qui parle, qui parle à chacun personnellement « Parle, Seigneur, dis-moi une parole, je suis tout écoute, je me tiens disponible, prêt à Te servir ».
Ouvrir la Bible :
Voici quelques passages bibliques où prophètes, psalmistes et évangélistes méditent sur la Parole du Seigneur. Vous aurez peut-être du goût pour vous arrêter sur l’un ou l’autre de ces textes et le savourer.
– « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent » (Luc 11, 28)
– « Si tu entends la voix du Fils de l’homme, tu vivras » (Jn 5, 25)
– « Il enverra sa parole ; elle fera fondre » les curs endurcis (Ps147, 7)
– « La parole du Seigneur t’enflammera car sa parole est pleine de feu » (Jr 5, 14)
– « Parole du Seigneur, lumière de mes pas, lampe de ma route » (Ps118, 105)
– Que tu vives « non seulement de pain mais de tout parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4)
– « Seigneur, dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri » (Mt 8, 8)
– « Par ses paroles, Il t’affermira » (Ps118 28)
– « Cette parole est toute proche, dans notre bouche et dans notre cur » (Rm 10, 8)
Plus récemment, Marie Noël célèbre dans un de ses poèmes ce Dieu qui lui parle à l’intime :
« Me parlez-vous ?
D’où me vient cette chaleur douce
qui pénètre mon âme et l’embaume et l’endort ?
Cet éblouissement, ces pleurs, cette secousse ,
C’est plus clair que la vie et plus sûr que la mort.
Comment, O Vérité, m’es-tu nouvelle et fraîche,
Révélée à mes os sans livres, sans écrits,
Sans raisons qui démontre et sans bouche qui prêche,
D’un seul baiser qui me dévore tout l’esprit »
Poème à Tierce dans «Les chansons et les heures »
Dans la prière, j’écoute une parole qui me touche, me met en mouvement, une parole qui me re-suscite et balise les étapes de mon chemin. A l’écoute de la parole de Dieu, mon existence trouve son unité et son dynamisme. « Samuel grandit. Yahvé était avec lui et il ne laissa tomber aucune de ses paroles. Tout Israël sut que Samuel était accrédité comme prophète de Yahvé ».
« Il me parle, donc je suis. Il me parle, donc je me redresse et me tiens debout pour répondre. Il me parle, Il me fait la grâce de me parler, c’est donc que je suis aimé. Et je chante alors ce bonheur de vivre à l’écoute de sa parole, de recevoir la vie de cette écoute » (Collectanea Cisterciensia, N°65, 2003)