La généalogie de Jésus que nous propose Matthieu dans l’Evangile, est une succession de nom d’hommes qui ont « engendré ». Joseph, lui, n’engendre pas : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ ».
La généalogie de Jésus que nous propose Matthieu dans l’Evangile, est une succession de nom d’hommes qui ont « engendré ».
Joseph, lui, n’engendre pas : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ ». Réalité un peu étrange qui nous est plutôt difficile à porter, et à comprendre. Joseph n’engendre pas, pourtant le chaste époux
nous dit quelque chose de la paternité. Mais que pouvons nous essayer de comprendre ? De quelle figure du père est-ce que Joseph nous parle ?
Pour essayer de dire quelque chose de ce profond mystère, nous regarderons d’une part en amont, la rencontre d’Abraham et Isaac au Mont Moria en aval, un temps pour regarder la relation du Fils à son père au Golgotha.
Abraham et Isaac : l’épreuve de la paternité
« Sarah conçut et enfanta un fils à Abraham déjà vieux, au temps que Dieu lui avait dit. » (Genèse 21,2) Les naissances dans la Bible sont très souvent assez étonnantes : Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Samuel, Jésus. Et l’ensemble de la pédagogie de Dieu nous déroute quelque peu. Ainsi cette demande qu’il adresse à Abraham : « prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac et va-t’en au pays de Moria et là tu l’offriras en holocauste sur une montagne que je t’indiquerai. » (Genèse 22,2).
Notre première réaction : qui est ce Dieu qui demande une telle horreur ? Replacé dans son contexte, l’histoire d’Abraham se situe vers -2000 BC. Le personnage d’Abraham est historique et ses récits tiennent à la fois de l’histoire et de la légende. Historiquement, un peuple émigra de la terre d’Ur jusqu’en Chaldée A cette époque, la relation à Dieu se faisait de la terre vers le ciel’ : on offrait des sacrifices, même des sacrifices humains Mais Dieu veut dire autre chose à Abraham. Il l’a conduit, lui, son épouse, sa tribu, ses gens, sa maisonnée Abraham a confiance en Dieu, il a foi en ce Dieu qui lui promet « une descendance aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ». Il est prêt à sacrifier son fils, unique. C’est incompréhensible. De cet épisode nous retenons qu’Abraham est notre Père dans la foi. (Galates 3). Dans cet acte Abraham s’est engagé jusqu’au bout de lui-même, dans la nuit de la foi’, c’est-à-dire sans comprendre la nécessité, la réalité de ce qui lui était demandé.
Donc, premier point, la foi d’Abraham, contre toute espérance ! Incroyable !
Mais il y a ici plus encore : la ligature’, terme employé pour dire la situation d’Isaac tout attaché, ligaturé. Ce terme exprime, dans la langue hébraïque la « compression ». Abraham est invité à se mettre en face de la réalité : il est le père d’Isaac, certes la vie d’Isaac lui est confiée ; mais il a à lâcher sa toute puissance paternelle. Offrir son fils à Dieu’ ou autrement dit, laisser son fils libre de sentiments paternels trop compressants’. Le geste demandé à Abraham est de libérer son fils : Abraham n’est pas l’origine d’Isaac ! Le libérer de ses sentiments étouffants, de possession, de désirs pour son fils, enfin lui permettre d’être père, à son tour.
Joseph et Jésus : une paternité guérie de la jalousie
Joseph est fiancé ; amoureux certainement ; heureux de s’envisager dans l’aventure de la paternité. Mais voilà, Joseph se trouve face à l’inexplicable, l’incroyable et le plus inattendu : celle qu’il doit épouser, qu’il ne connaît pas’ (au sens biblique) est enceinte ! A la lumière du bon sens’ humain, Joseph est en droit de répudier celle qui visiblement l’a trompé, il peut aller jusqu’à demander la lapidation.
Premier degré de l’amour, celui de l’amour propre, qui ne résiste pas à la jalousie, et préfère tuer plutôt que d’envisager un chemin de vie, un chemin de pardon. Joseph, entend la parole de l’ange qui le visite dans un songe, et « il croit à la révélation incroyable de l’ange devant Marie qui engendre Jésus. » (Michel Farin, « la Colombe et le Serpent ») et « Joseph est appelé à croire à cette unique histoire du Salut, où la colombe, l’esprit de confiance, vient allumer le feu de l’amour au cur de l’humanité, sans la détruire, mais pour la délivrer de l’esclavage de la jalousie, et la féconder dans le plus grand respect. »
Joseph, n’est pas un vieil homme comme il est souvent représenté, pour pouvoir dire quelque chose du malaise existentiel que cette histoire apporte à la pensée. Il n’est pas âgé. Il est libéré, par grâce, de la jalousie qui retient l’homme contre Dieu. Libre de toute possession sur l’enfant. C’est le chemin qu’a dû faire Abraham, chemin d’adoption dans la paternité que doit faire tout père.
Lorsque Jésus reste au Temple, Marie dit bien à Jésus, « mon fils pourquoi nous avoir fait cela, vois ton père et moi nous te cherchions angoissés ». Joseph a cru à un songe ! C’est étonnant de confiance, car bien sûr à la fin de l’histoire il est aisé de penser qu’il a eu raison de croire. Mais sur le moment ? Quelle a été la réaction de ses amis, des parents ? Sa conscience est engagée toute entière et c’est cela qui est grand, et petit à la fois. La liberté n’est pas une désincarnation, un sentiment au-dessus du reste de l’humanité Non, elle cherche son chemin dans le réalisme de nos vies. Elle n’est pas une idée, ou un idéal, elle n’est jamais acquise mais toujours une quête dans la vie du croyant, et de toute personne. Joseph engage sa liberté dans le choix qu’il fait seul.
Je nous invite à prier spécialement avec ceux pour qui le mariage est le lieu de peurs’ et pensé comme le contraire de la liberté. Je crois qu’il y a des lieux de jalousie à débusquer ! La peur est le plus souvent un point intéressant qui signale une image trompeuse et trompée à mettre au clair, au grand jour. Bonne Chance !
Jésus le Fils de Notre Père
Jésus devient le Fils du Père au moment de la Passion et de la Résurrection. Ce passage par la limite ultime de la vie, révèle la filiation. Depuis le commencement, Dieu cherche l’homme, il veut faire alliance avec lui, dans sa profonde humanité. Il s’est fait proche d’Adam et Eve, mais ceux-ci n’ont pas compris. Dieu a préparé son peuple par les prophètes ; le peuple Israël est dans l’attente d’un libérateur, d’un envoyé de Dieu. La voix qui crie dans le désert annonce la venue du Père « Tu es mon fils bien aimé » dit-il à Jésus qui vient traverser les eaux du Jourdain. (Avez-vous remarqué combien il est question de passage des eaux dans tout le Livre de la Bible ? Recherche conseillée ).
Nous avons parlé aussi de Dieu comme celui qui dépasse, transcende les limites de notre condition humaine, Il est au-delà du créé. Le mystère de la Passion de Jésus commence par un acte d’Amour : celui de la femme de Béthanie qui vient embaumer ses pieds. L’amour est toujours premier. Mais l’Amour est difficile à recevoir. Nous sommes sans cesse jaloux de l’autre, du bien qui est le sien. Apprendre à accepter le don de l’autre, le don qui est le mien, se recevoir les uns les autres en fraternité. Notre filiation, voilà ce que Dieu veut nous dire avec son Fils : que nous sommes tous des enfants du Père, et que nous avons à vivre une fraternité. La fraternité, c’est le contraire de Babel : tous les hommes se comprenaient et parlaient le même langage ; ce n’est pas le désir de Dieu que nous soyons tous semblable : notre ressemblance s’inscrit dans la filiation. Mais chacun de nous est à se découvrir libre de toute compression’ paternelle, à se découvrir fils, fille, libre de donner la vie à son tour et de la recevoir. Pentecôte : Un seul Esprit est donné, chacun le reçoit selon où il se trouve et selon sa langue propre. Nous avons à devenir unique.
Dans le mystère de la mort de Jésus, Dieu accompagne, souffre avec lui de l’obscurité du coeur de l’homme. Dieu n’est jamais auteur du mal ! (Exercice : combien de guérisons dans les Evangiles et combien de condamnation ?)
Ce qui éclaire au fond cette paternité qui se révèle après Passion et Résurrection, ce sont ces paroles de Jésus qui nous dit : « à présent, je m’en vais vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Voilà l’amour non possessif, non jaloux, préfiguré par Joseph. Jésus est venu nous révéler le Père et sa gloire. Non pour faire de l’autoritarisme, mais pour nous apporter la lumière de ce monde. La croix ne vient pas nous dire quelque chose de la souffrance, mais de la présence de Dieu à chaque instant de notre vie, Il est ende ça de toute nos limites et catégories mentales, conceptuelles, psychologiques, affectives . Qu’il dépasse toute limite, toute frontière, telle est sa manifestation dès ses premiers jours dans les bras de sa mère, lorsqu’il reçoit la visite à la fois des bergers et des grands de ce monde, les Rois mages. Toujours chercher Jésus, chercher l’Amour au-delà de notre coeur
Conclusion
Joseph, figure du chaste époux Marie, nous parle de non possession(= chasteté), de regard bienveillant qui ne cherche pas de pouvoir sur la vie, pas de maîtrise, de puissance si ce n’est celle de la confiance. Nos vies sont à éclairer de ces figures bibliques. Il n’y a pas de crainte dans la confiance : les difficultés ne sont pas effacées, gommées, ce serait se faire illusion. Joseph, Jésus et Marie ont eu une vie réelle, joyeuse et douloureuse. Est-ce que je crois à la communion des Saints ? A la croissance de la vie, de ma foi, de mon désir d’aimer la vie qui est donnée.
« Au soir de cette vie nous serons jugés sur l’amour » nous dit Jean de la Croix, et tout est sans cesse en commencement Bonne Route !