Au coeur du Japon, au XVIè siècle, dans la tourmente d’une réaction nationaliste, la jeune communauté chrétienne de Nagasaki fait les frais de la violence. Cela conduit Paul Miki, jeune jésuite japonais, et 25 de ses compagnons à être crucifiés à Nagasaki.
Au coeur de la violence, quelle voie de sainteté trace le martyr ? Que dit-elle à notre vie de chrétiens ici ? Avec Paul Miki et ses compagnons, laissons-nous donc attirer par la faiblesse de Jésus…
Biographie
St François-Xavier, qui avait le premier planté la croix au Japon, avait prévu qu’un jour où l’autre, la foi chrétienne rencontrerait là-bas de grandes difficultés.
Si le Japon se montre ouvert, très vite, les missionnaires qui arrivent avec les marchands et les diplomates puis la jeune communauté chrétienne qui se développe sont perçus comme l’instrument d’une main-mise étrangère.
Le christianisme n’est alors pour eux pas une bonne nouvelle, mais une menace
une importation de l’étranger.
C’est ainsi qu’éclate une forte réaction nationaliste et la persécution se déchaîne.
Pour les chrétiens japonais, il faudra témoigner souvent jusqu’au sang de l’amitié de l’Evangile avec les cultures et les civilisations de tous les peuples : ils sont chrétiens, ils sont de ce peuple japonais
A Nagasaki, en 1597, Paul Miki qui est jésuite et japonais, et vingt-cinq de ses compagnons suivront les pas de leur Seigneur : ils seront crucifiés.
Ils marcheront dans ses pas avec ce que la culture et le sang japonais ont fait d’eux, dans le courage et la fermeté. Ils témoigneront ainsi de cet Evangile et de ce Jésus auxquels ils se sont attachés, non comme à une culture étrangère mais comme à une lumière qui a éclairé et révélé de l’intérieur leur culture japonaise. Courage et fermeté sont pour eux faire le choix de la faiblesse de Jésus, se laissant crucifier.
Plus encore, Paul Miki, avant de mourir, pardonnera d’avance à ceux qui le persécutent.
Leur exemple n’a pas arrêté la persécution, loin de là. Durant toutes les années où elle a duré, 200 000 chrétiens ont trouvé la mort.
Mais un petit reste a subsisté, qui deviendra la base du renouveau chrétien au XIXè siècle.
Ainsi le grain tombé en terre a-t-il porté du fruit…
Se laisser attirer par la faiblesse de Jésus
Comme pour beaucoup de martyrs, St Paul Miki et ses compagnons n’ont pas cherché le martyr, ils n’ont pas d’abord cherché à souffrir comme pour mieux ressembler à leur Seigneur.
Ils ne l’ont pas cherché, ils l’ont accueilli. Et l’accueillant, c’est la faiblesse de leur Sauveur, Jésus, qu’ils ont voulu accueillir.
Dans l’épreuve, la violence, la lutte des pouvoirs et le mensonge, plus encore dans ce qui semblait un terrible échec pour leur communauté décimée, ils ont accepté de se laisser attirer par le visage de Jésus, par sa vie, de se laisser conformer à lui, dans sa faiblesse.
Ils ont reconnu en Jésus celui qui les a aimés et s’est livré pour eux, qui, en traversant la mort, a fait jaillir la vie. Et certes, accueillir ce visage du Seigneur, marcher dans la voie de sa faiblesse, avec l’espérance qu’elle soulève, cela demande courage et fermeté, cela demande de tenir jusqu’au bout la foi pascale !
A leur exemple, nous voici donc invités à marcher dans un chemin de foi, d’amour et d’espérance là où surgit la violence, invités à nous laisser attirer par la faiblesse de Jésus, pour y puiser courage et fermeté à sa suite.
Nous sommes invités à laisser résonner en nous ce mystère : « il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20).
Et moi, devant la violence et la lutte des pouvoirs, par quoi, par qui je me laisse attirer ?
Où est-ce que je place ma confiance, mon espérance, mon amour ?
Seigneur, attire-nous vers toi !
Se laisser attirer par Jésus jusqu’au pardon
On se souvient qu’avant d’être tué, le P. Christian de Chergé, dans son « testament », appelait au pardon.
Ainsi en est-il de St Paul Miki qui disait, avant de mourir : « Je vous le déclare donc : il n’est aucune voie de salut sinon celle que nous suivons. Et puisqu’elle m’enseigne à pardonner aux ennemis et à tous ceux qui m’ont fait du mal, je pardonne de tout cur aux responsables de ma mort. »
Ainsi en fût-il d’Etienne, le premier des martyrs au nom du Christ.
Ainsi en fût-il de Jésus : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Entre la faiblesse du pardon, qui baisse les armes de la violence redoublée pour préférer l’amour gratuit, et la faiblesse du Sauveur se laissant crucifier par les siens, il y a une ligne continue.
Acceptons-nous, quand la violence surgit, contre nous ou en nous, de nous y laisser conduire ?
Et si pardonner, pour nous, était ce chemin de chaque jour où nous nous laissons attirer un peu plus par Jésus, conformer à lui, ce chemin où nous le laissons vivre en nous
?
Ce chemin à apprendre chaque jour, auquel il faut parfois toute une vie, et la douleur d’une blessure reconnue
Mais ce chemin de Jésus vivant en nous.
Laissons-le redire en nous, devant le Père, ces mots qu’il nous a lui-même donnés :
« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».
Laissons-le nous dévoiler le visage du Père, dans son amour gratuit et vainqueur, inimaginable, au cur de ce chemin, pour nous, du pardon à donner, du pardon à mettre en verbe : « je pardonne »